Jusqu'où le dollar peut-il monter ? Le rebond de la devise américaine au cours des dernières semaines a été à la fois rapide, spectaculaire et surprenant par son ampleur. Le billet vert a franchi successivement cette semaine les seuils de 1,40, 1,39 et 1,38 pour 1 euro. Jeudi 11 septembre, la devise américaine avait regagné près de 13 % face à l'euro depuis son plus bas de 1,6038 atteint le 15 juillet, avant de faiblir vendredi et de terminer la semaine à 1,42 dollar.
Il y a plusieurs explications au retour en grâce du billet vert, à commencer par l'environnement économique des deux côtés de l'Atlantique. Tandis que, aux Etats-Unis, l'activité fait preuve d'une résistance étonnante et que l'Etat fédéral semble se donner les moyens d'empêcher que la crise immobilière ne prenne plus d'ampleur en mettant sous tutelles les deux géants du marché hypothécaire, Fannie Mae et Freddie Mac, le Vieux Continent semble s'enfoncer dans le marasme. Ni la politique monétaire, orientée par la Banque centrale européenne (BCE) contre l'inflation, ni les marges de manoeuvre budgétaire, inexistantes dans de nombreux pays comme la France, ne sont à même d'enrayer le ralentissement.
Selon les prévisions économiques de la Commission européenne, les pays de la zone euro devraient connaître une croissance de 1,3 % en 2008 ; la Commission attendait 1,7 % en avril. " La baisse de l'euro face au dollar reflète le ralentissement économique en Europe observé depuis la mi-juillet. La nouveauté tient à la possibilité désormais envisagée que la zone euro puisse entrer en récession", souligne Jay Brisen, de Wachovia.
Les cambistes anticipent une hausse des taux aux Etats-Unis et une baisse en Europe, qui vont dans le sens d'un renforcement du dollar face à l'euro. Mais rien n'est moins sûr. La remontée du billet vert conjuguée à la baisse du pétrole réduit les tensions sur les prix aux Etats-Unis, et l'urgence n'est plus tout à fait la même pour la Réserve fédérale américaine (Fed) de relever le loyer de l'argent au jour le jour (2 %).
Dans le même temps, les accès de faiblesse de l'euro atténuent pour l'Europe l'effet désinflationniste du recul du baril. En outre, le rebond du dollar aura un impact négatif sur la croissance américaine, et la Fed, dont la mission n'est pas seulement de lutter contre la hausse des prix mais de soutenir l'activité, ne peut pas ne pas en tenir compte.
DÉFICITS EXTÉRIEURS
La baisse continue du billet vert explique pourquoi les Etats-Unis n'ont pas basculé dans la récession, en dépit des chocs violents liés à la crise de l'immobilier et du crédit et à l'envolée des prix de l'énergie et des matières premières. La faiblesse du dollar a réduit le déficit commercial en dopant les exportations, devenues le seul moteur de la croissance, et a permis aux grandes entreprises américaines de continuer à afficher une forte rentabilité en rapatriant les profits réalisés à l'étranger. Ces facteurs vont s'estomper. Il est enfin difficile d'imaginer la Fed remontant ses taux si près de l'élection présidentielle de novembre.
En Europe, Jean-Claude Trichet, le président de la BCE, a prévenu pour sa part que l'inflation devrait rester élevée encore "un certain temps", laissant peu d'espoir de baisse rapide du taux de l'argent au jour le jour (4,25 %).
L'autre facteur immédiat d'appréciation du dollar est la baisse continue des cours du pétrole. Le baril a perdu 30 % depuis juillet, passant un temps cette semaine sous le seuil des 100 dollars. Comme dans le paradoxe de l'oeuf et de la poule, il est impossible de savoir quel marché, celui des changes ou du pétrole, précède l'autre. Mais la corrélation entre les cours du pétrole et ceux du billet vert est assez évidente.
Reste les problèmes structurels de l'économie américaine, notamment l'insuffisance d'épargne et les déficits extérieurs. Ils limitent le potentiel d'appréciation du dollar. D'ailleurs, la remontée du billet vert face à l'euro est intervenue lorsque le yuan a cessé de s'apprécier face à la devise américaine.
Avec ses excédents commerciaux, la Chine finance une bonne partie du déficit des paiements américain. Il est vraisemblable que Pékin, soumis à de fortes pressions inflationnistes, laisse à nouveau le yuan s'apprécier progressivement face au dollar. Et, à moins d'un changement brutal de comportement de consommation qui se traduirait par une récession, la remontée du taux d'épargne des Américains sera lente.
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