Ne craignez pas d’être lent. Craignez seulement d’être à l’arrêt.
L’éloge de la lenteur, a fait son chemin depuis La Fontaine. Aujourd’hui, elle s’affiche comme un frein essentiel à l’encontre de l’impétueuse nécessité de « tout vouloir savoir tout de suite ». Cette pression déraisonnable, de la course contre et avec le temps, renforcée par l’essor des nouvelles technologies et l’urgence délirante née de l’exaspération d’une concurrence qui se mord la queue, a altéré de façon profonde notre perception des choses. Aujourd’hui, nous ne sommes plus si allergiques que cela aux informations qui, il y a peu de temps encore, nous auraient dérangés.
Cette même pression incite à donner des informations indubitablement partielles, parfois fausses, nécessairement simplistes, et nous nous en contentons. Plus rien ne doit être lacunaire ni épars, tout doit être lu et dit, et le plus rapidement possible. L’histoire se retrouve elle aussi confrontée à ce besoin pressant. Un besoin de récit. Et, partout où s’immiscent et sévissent les littérateurs, les bobardiers, les articliers, les plumitifs et autres salonniers, partout où le souci de l’exigence, de l’éthique et de l’intelligence s’affadissent à la seule invocation sentencieuse de la « liberté de dire » ou de l’opinion, l’histoire se doit de répondre et surtout, elle doit prendre le temps de le faire. Entre le temps des historiens et celui d’une immédiateté superficielle, il existe donc une place à élargir pour ce temps lent. Mais c’est seulement dégagé des contraintes obsédantes qu’une époque trop instante lui balbutie, de ce don de l’axiome implacable, qui lui confère une logique froide et l’inflexion douloureuse d’un juriste, de l’inclination féroce et perverse, qu’ont certains à démythifier et défaire le récit pour le transmuer en une démonstration subtile et sophistiquée, que l’historien pourra alors observer plus large.
L’histoire peut enseigner tout cela, mais elle n’a le pouvoir de le faire que si nous sommes déterminés à faire ce pas de côté. Autrement, il ne s’agit que d’archives et de poussières enfermées dans une tête.
Lundi 10 Mars 2014
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