Le Prix Nobel d’Économie s’est porté sur l’Américain Richard Thaler, un spécialiste de l’économie comportementale et professeur à l’université de Chicago. Agé de 72 ans, issu de cette prestigieuse école de la capitale de l’Illinois créée par le monétariste Milton Friedman, Richard Thaler est primé pour avoir démontré à travers ses travaux comment les mécanismes psychologiques et sociaux modifient nos comportements économiques. A rebours de la figure longtemps dominante dans les cercles académiques d’un homo economicus au comportement rationnel, cherchant en toutes occasions à maximiser son bien-être sans se préoccuper de celui des autres, ce diplômé de l’université de Rochester a montré comment certaines caractéristiques humaines, qui n’ont absolument rien de rationnel, peuvent être déterminantes : « Elles affectent systématiquement les décisions individuelles et les orientations des marchés ». Richard Thaler a notamment théorisé le concept de « comptabilité mentale ». Il y explique la façon dont les individus « simplifient la prise de décision en matière financière en créant des cases séparées dans leur tête, en se concentrant sur l’impact de chaque décision individuelle plutôt que sur l’effet global ». Père fondateur de la théorie du « Nudge » ou coup de pouce en français, qu’il a exposé dans un ouvrage coécrit en 2009 avec le professeur de droit Cass Sunstein, traduit en 2010 sous le titre Nudge : la théorie douce pour inspirer la bonne décision, Richard Thaler prolonge par son concept original de « paternalisme libertaire » une nouvelle approche comportementale de l’économie. Une approche déjà récompensée par l’Académie et qui avait valu à son ami Daniel Kahneman, psychologue et économiste à l’université de Princeton, le prix Nobel d’économie en 2002. C’était alors la première fois que le Nobel d’économie consacrait un psychologue, qui de son propre aveu « n’a jamais vraiment travaillé sur l’économie » mais qui s’est rapproché de ces derniers par son étude des « processus de décision ». Richard Thaler part de l’idée que si les individus sont incapables pour tout un tas de « biais cognitifs » et culturels de prendre les meilleures décisions, il faut les y aider en les accompagnant dans leurs choix de tous les jours. D’où son idée d’imposer aux individus des décisions tout en leur faisant croire qu’ils conservent leur pleine liberté de choix. L’universitaire, dont les théories s’appliquent aussi bien aux courses au supermarché qu’au placement de milliards de dollars sur les marchés financiers, a également étudié l’aversion aux pertes sur les marchés ou à la dépossession en mettant en évidence le fait que « les individus accordent une plus grande valeur à une chose s’ils la possèdent que s’ils ne la possèdent pas ».
Extrait Article de Christophe Alix de Libération.
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