Pour bien vous montrer tout l’aspect philosophique de la chose, j’ai relu pour vous « Les vraies lois de l ‘économie » de Jacques Généreux. Pour les économistes, a de la valeur ce qui a un prix. Pourtant, on dit souvent au contraire que ce qui a de la valeur n’a pas de prix. La santé en est le meilleur exemple. Alors quoi penser ? L’économie est la science des valeurs marchandes.
Au départ, la substance de la richesse et de la valeur est fondée sur la satisfaction de tous les besoins humains. Certains la nomment valeur d’usage ou utilité. Seul Marx contestera cette vision en reconnaissant dans le travail la substance de la valeur. Outre sa nature, la mesure de la valeur pose un problème. Pour les Français comme Say, la valeur des biens se fonde sur l’utilité subjective. Pour les Anglais comme Smith et Ricardo, il faut déterminer un étalon de valeur. Pour ces derniers, même si l’utilité est l’essence de la valeur, cela ne permet aucunement de comprendre la formation des valeurs dans les échanges, donc des prix. L’eau par exemple est utile mais n’a quasiment pas de valeur sur le marché. La définition philosophique de la valeur ne suffit pas à décrire la réalité des échanges. Remarquez, on pourrait mesurer les valeurs par les prix. Mais à nouveau, le bât blesse car le prix, comme étalon de mesure de la valeur incorpore les instabilités monétaires et les évolutions des biens. Afin de pallier ces perturbations, les classiques anglais vont se rabattre sur la valeur du travail. Mais là aussi, cette piste sera vite enterrée car cette notion de travail est trop hétérogène pour être retenue. La théorie de la valeur devient vite un imbroglio indémêlable.
On revient donc à la notion de Say sur la notion d’utilité. Avant qu’elles soient échangées, il existe une valeur des biens et toute activité d’échange est créatrice de valeur dès lors qu’elle est utile à quelqu’un. Vers les années 1870, d’autres Français vont enfoncer le clou en créant la notion d’utilité marginale, qui est la satisfaction individuelle procurée par une unité supplémentaire. En fait pour reprendre l’exemple de l’eau, elle a une utilité totale élevée, mais une utilité marginale faible. C’est bien l’erreur des Anglais car par évidence, l’utilité fonde la richesse et constitue la base de la valeur, mais l’utilité marginale détermine les valeurs marchandes. Menger résume assez bien ce principe en affirmant : « Ainsi la valeur n’est pas inhérente aux biens, elle n’en est pas une propriété. C’est un jugement que les sujets économiques portent sur l’importance des biens. Il en résulte que la valeur n’existe pas hors de la conscience des hommes ».
Les libéraux contribueront à promouvoir une vision marchande de la valeur. Pour eux, le prix reflète toujours l’équilibre entre offre et demande et ce prix est une mesure de la valeur subjective que les individus attribuent aux biens. Mais cette notion de mesure de valeur est trompeuse. Le spéculateur par exemple n’exprime pas son niveau d’utilité. Les prix en eux-mêmes sont affectés par des taxes et des charges et bien d’autres choses qui sont loin de l’utilité.
Exemple. Mon café que je paye, je ne le négocie pas et le prix n’est pas le même aux Champs-Elysées que dans un petite village de province. Et pourtant, je le paye si j’en ai envie pour la même utilité. Soutenir que les prix sont le seul reflet du désir des individus revient à considérer qu’ils ont tous des capacités et des contraintes strictement identiques.
Les classiques anglais avaient bien l’intuition que la valeur intrinsèque des choses risquait d’être fort différente de celle dictée par le marché. Il y a un écart entre la valeur réelle et la valeur déterminée. La confusion entre prix et valeur naît peut-être par le fait que le prix n’est pas la synthèse entre offre et demande mais bien le reflet d’une autre loi : celle du déséquilibre permanent. La composante non-marchande non mesurable reste donc le fondement de la valeur.
Vous n’en savez pas plus sur la valeur des hôtels. Mais au moins je vous ai raconté une histoire, certes compliquée, mais qui prouve bien, que la valeur c’est tout sauf un prix.
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Bravo pour vos analyses
Rédigé par : Roland Leroy | 04 novembre 2008 à 11:18