Merci Mr FOTTORINO de nous dire tant de choses avec tant de force et de réalisme.
Si nos seules certitudes pour 2009 se résument à un écheveau d'incertitudes, alors mieux vaut moins prévoir qu'espérer. Même si l'espérance est parfois violente, et la violence toujours désespérante, comme le rappelle chaque jour la tragédie israélo-palestinienne. A l'heure des voeux, on peut se demander où nos civilisations placeront à l'avenir leurs croyances et leurs valeurs, pour rendre la vie sur cette planète durablement vivable.
L'an passé a vu le capitalisme trembler en laissant éclater une bulle financière gonflée par des irresponsables. Des subprimes aux titres empoisonnés, de Jérôme Kerviel à Bernard Madoff, de riches investisseurs et des dizaines de millions d'épargnants ont mesuré à leurs dépens que l'argent est un roi capricieux qui requiert des limites. Sous peine que nous perdions confiance dans les règles du marché, de laisser la spéculation devenir maîtresse d'un jeu de massacre, et l'escroquerie des pyramides de Ponzi la voie privilégiée pour s'enrichir entre faux amis.
Il serait enfantin de croire à la régulation et aux plans de relance comme seules thérapies susceptibles de soustraire l'économie mondiale à la récession. Renflouement des banques, aides aux industries automobile ou aéronautique - y compris dans la toute-puissante Chine ! -, soutien aux investissements et autres grands travaux, relecture de Roosevelt et de Keynes, promesses de jours meilleurs à condition de redoubler d'efforts : voilà pour alimenter l'espoir que le pire ne soit pas vraiment le pire.
Tout cela est contrebalancé par la vague des fermetures d'entreprises et la remontée du chômage mondial, par les faillites boursières annoncées, par la douleur du dollar, par la résurgence des inégalités sociales, par les tensions alimentaires dans les pays en développement, par les inquiétudes de voir les exportations du Sud et de l'Asie péricliter au rythme du ralentissement au Nord, tandis que les ravages silencieux du réchauffement climatique menacent pour demain les cultures vivrières, les accès sécurisés à l'eau potable, un développement urbain et rural harmonieux.
Il y aura d'autres Lampedusa, d'autres enclaves de Ceuta et Melilla, trop d'hommes et de femmes, d'enfants aussi, qui marchent ou voguent loin de chez eux avec pour seul horizon des charters de retour, si ce ne sont des murs et des grillages, ou des tempêtes pour sombrer. Combien de temps encore ? Combien de temps la faim, les épidémies, le cynisme commercial, la main qui reçoit au-dessous de la main qui donne, et parfois reprend ?
Quant aux risques de tensions et de conflits, ils ne manquent pas, tant la Russie de Poutine-Medvedev vit dans l'obsession de ses territoires perdus, tant l'Iran d'Ahmadinejad menace et provoque dans un bain de centrifugeuses et d'antisémitisme, tant le Proche-Orient piétine sur la voie du vivre-ensemble, avec trop d'histoire et pas assez de géographie. Si la carte américaine s'annonce déterminante, il serait naïf de voir en Barack Obama l'envoyé omnipotent de la Providence.
Qu'aux Etats-Unis l'homme noir ne soit plus jamais l'ombre de l'homme blanc, l'avancée est quasi miraculeuse. Qui aurait cru que le peuple américain oserait ce choix de liberté et de maturité, après avoir par deux fois élu le républicain texan George Bush ? Mais pour avoir trop peu reçu de George " W ", il semble que l'inconscient collectif demande déjà trop au nom et au visage de son successeur.
De la crise majeure qui secoue la planète, nous devons tirer des leçons, et surtout des solutions dépassant les mesures d'injection massive de capitaux. Il est urgent de rebattre les cartes du monde dans le sens de la raison et de l'intelligence collective, de la justice, de la sauvegarde active de notre écosystème naturel et humain.
Il reste à imaginer une croissance plus vertueuse, plus économe et plus autonome, axée sur des valeurs autres que le profit sans souci du lendemain. " Ce qui est très utile - l'eau, par exemple - n'a pas toujours une grande valeur, et tout ce qui a une grande valeur - par exemple les diamants - n'est pas forcément très utile ", rappelait dans nos colonnes (Le Monde du 2 janvier) l'ancien banquier londonien Pavan Sukhdev.
Défenseur du " capital naturel ", cet homme de finance réfléchit aux moyens de garantir la " sécurité écologique " en réduisant l'impact de l'activité économique sur les ressources naturelles et leur pérennité. La biodiversité, cette banque d'espèces universelle doublée d'une pharmacie sans pareille, doit entrer de plain-pied dans les calculs de la croissance et du bien-être. Sans quoi l'humanité continuera d'être aveuglée par des fausses valeurs où la surconsommation tient lieu de philosophie jetable, quand seul importe le durable.
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