Les
grandes crises offrent une chance unique aux experts et aux dirigeants
économiques de rentrer dans l'Histoire. Soit en apparaissant comme des
prophètes quand ils ont annoncé le pire, soit, au
contraire, en prononçant des bourdes qui résistent au temps. Les subprimes ont déjà leurs mots célèbres. On eut un joli : "La crise des subprimes n'aura pas d'effets dramatiques sur la croissance" de Dominique Strauss-Kahn et "Il est largement excessif de conclure que nous sommes à la veille d'une grande crise économique" de Christine Lagarde.
Aujourd'hui, l'immense majorité des économistes prédisent une reprise
poussive, une croissance durablement molle, une longue convalescence
pour l'économie mondiale qui a frôlé la mort. Et s'ils se trompaient
tous à nouveau ? Et si la reprise était bien plus forte qu'annoncée ?
Et si les prochains mois nous réservaient de très bonnes surprises en matière de croissance.
Il
n'y a objectivement que très peu de raisons de croire à ce scénario
rose. Les sorties de récession aux Etats-Unis et en Europe doivent
beaucoup aux plans de relance des Etats et aux mesures de soutien
exceptionnelles prises par les banques centrales. En d'autres termes,
elles sont bien artificielles et fragiles tant que le secteur privé
n'aura pas pris le relais, ce qui est loin d'être gagné, compte tenu de
l'envolée des dettes publiques et du chômage.
Un redémarrage
poussif, voilà donc pour le raisonnable, pour le rationnel, le très
probable. Mais il n'est pas interdit de songer - rêver - un instant au
déraisonnable, à l'irrationnel, à l'improbable. Notamment en observant
ce qui est en train de se passer en Asie.
La Chine réaccélère
sans avoir jamais vraiment décéléré. Son produit intérieur brut a
progressé de 8,9 % au troisième trimestre. Pendant la même période, la
Corée du Sud a enregistré son rythme de croissance le plus élevé depuis
sept ans. Le deuxième constructeur automobile japonais, Honda, qui
prévoyait de lourdes pertes, vient d'annoncer qu'il dégagera des
bénéfices grâce à des performances meilleures que prévu dans la région.
Il y a bien sûr cette thèse en
vogue qui voudrait que l'Asie redémarre toute seule, de façon autonome,
dans une sorte de découplage inédit où l'Occident resterait en rade.
Mais on est assez de l'avis du gouverneur de la Banque de France,
Christian Noyer, pour qui "cette théorie n'a aucun sens dans le cadre d'une économie mondialisée". Difficile
d'imaginer que toute cette richesse générée en Asie y reste cantonnée
et ne se diffuse pas au reste de la planète, par le biais de la
consommation, mais aussi par le biais aussi
de l'épargne. Cela permet de financer
sans difficulté des déficits budgétaires et de maintenir les taux
d'intérêt à long terme à de bas niveaux.
En dehors de l'Asie, un
autre élément est de nature à nourrir un optimisme sans doute
injustifié. Il tient à l'origine même de la crise des subprimes. A
savoir une perte de confiance fulgurante et absolue des agents
financiers entre eux, laquelle s'est ensuite propagée aux entreprises
et aux particuliers.
La confiance est aujourd'hui revenue
dans les milieux bancaires. Le moral des industriels et des ménages
remonte lui aussi en flèche. D'où l'espoir de voir l'économie mondiale parcourir vers le haut
le chemin qu'elle a dévalé il y a un an. C'est ce que pensent certains
économistes qui disent que le commerce mondial ne s'est effondré qu'à cause de facteurs de
court terme (psychologiques et financiers) et non pour des raisons de
fond et qu'il pourrait donc redémarrer vite et fort.
La
crise des subprimes est venue rappeler que le scénario économique le
plus probable n'est pas toujours celui qui se réalise. Alors ?
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