On n'arrête pas d'innover en matière de gestion du personnel. Il paraît que la formule à la mode, dans les sociétés qui se veulent performantes, c'est "up or out". Autrement dit, on ne reste plus à un niveau donné de responsabilités (même si c'est celui où on est bon). La montée est impérative ; sinon, on sort.
Du point de vue du salarié, le message va se comprendre ainsi : ou bien tu es capable de prendre la place de ton chef, ou bien tu gicles. C'est sauvage, mais c'est clair. Cela veut dire qu'il faut progresser, non pour faire mieux, mais simplement pour survivre. Les organisations étant par nature pyramidales, puisqu'il y a davantage de gens à la base qu'au sommet, plus on va s'élever dans la hiérarchie, moins les places seront nombreuses, et plus on sera incité, de facto, à dégommer son supérieur. "Winner" et "killer" deviennent synonymes. En fait, on retrouve exactement la loi de la jungle : manger ou être mangé. Pour des gens qui comme moi ont été éduqués dans l'idée que tout l'effort de la civilisation - et toute sa grandeur - consiste à essayer de se soustraire à la brutalité de la nature et à protéger les faibles, c'est un choc d'en être revenu là.
Le choc est d'ailleurs d'autant plus grand qu'une telle politique est imbécile et largement inefficace. Elle relève essentiellement d'une posture idéologique. Le credo libéral dans lequel nous baignons nous déforme le jugement, et nous rend inaptes à reconnaître que les hommes peuvent être motivés par autre chose que l'argent, le pouvoir, ou la peur, et que le management par le stress est inopérant à terme. Mais bon... J'affirme ça, mais il faut dire que je suis "out" depuis un bon bout de temps.
Les théoriciens du management devraient cependant se méfier. Je connais de plus en plus d'éléments jeunes et brillants qui, vu les conditions qui y règnent, refusent de rester dans le monde de l'entreprise, ou simplement de s'y impliquer. Confrontés à la logique "up or out", ils choisissent de vivre en dehors. La règle ne leur convient pas. Or si un jeu n'attire pas de nouveaux joueurs, à terme, ce n'est pas bon pour le jeu...
De Jean Pierre ARBON
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