Jeff Hawkins, en 2005, dans son livre « Intelligence », avait proposé une nouvelle manière de percevoir la façon dont fonctionne le cerveau humain. Selon lui, celui-ci n'est pas une machine de Turing qui manipule des symboles selon une table d'instructions internes, mais il montre que le cerveau est, au contraire, un vaste système de mémoires hiérarchisées, qui enregistre constamment ce qu'il perçoit et prédit ce qui doit advenir. Le cerveau fait des prédictions en établissant des similitudes entre des séquences d'informations sensorielles récentes et des expériences passées stockées dans la mémoire. C’est un concept similaire à la fonction de saisie semi-automatique. Le cerveau est donc une machine inductive qui prédit l'avenir en trouvant des similitudes, à différents niveaux, entre le présent et le passé. Selon l’économiste Ricardo Hausmann, cette nouvelle manière de percevoir le fonctionnement du cerveau a des implications importantes dans celui du développement économique et des stratégies pour y parvenir. Par définition, le développement n'est pas la répétition d'un état donné, et le processus de développement comprend l'intégration et la combinaison de nouvelles capacités de façon à pouvoir mener à bien des activités plus variées et plus complexes. Cependant l'approche classique du développement économique est analogue à une machine de Turing ; elle tente de définir un modèle général du monde, reposant sur des principes fondamentaux. Mais le monde est souvent trop complexe et subtil pour une telle approche. Ne serait-ce pas une amélioration substantielle si, en étudiant un endroit précis, nous pouvions avoir à l'esprit toutes les expériences précédentes de la planète et identifier automatiquement les plus pertinentes d'entre elles, de façon à pouvoir en déduire les prochaines étapes ? Ne serait-il pas utile d'entrevoir les possibilités de développement tout comme notre cerveau voit le monde ? Une approche différente du développement économique consisterait à compiler une importante quantité de données et à se demander quelle voie aurait la plus grande chance de réussite dans un pays ou une ville à un moment donné, à la lumière de ce qui y existe déjà et des expériences réalisées à cet endroit et ailleurs. Ce serait un peu comme un système de recommandations. L'idée d'analyser les expériences passées pour dégager une perspective d'action future est aussi vieille que la civilisation. Selon Ricardo Hausmann, on devrait pouvoir faire mieux encore en inventoriant davantage d'expériences, et plus en détail, à l'aide d'une mémoire beaucoup plus vaste capable de trouver un nombre bien plus important de situations dans un éventail également plus grand d'expériences humaines. Tout comme les technologies de réalité augmentée enrichissent notre perception du monde, mettre toutes les expériences mondiales de développement à la disposition des acteurs du développement est à présent parfaitement faisable.
Mercredi 19 Février 2014
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