Le débat médiéval sur le juste prix a des connotations modernes étonnantes. Le juste prix, sous l’influence des historiens, reposait sur une vision de la protection contre la rugosité du marché. Il fallut attendre le 20 ème siècle pour exhumer de vieux textes sur le sujet. En réalité, à défaut d’une fixation de prix par les autorités publiques, le prix était ce qui devait assurer la marge convenable. Le prix était fixé par humanité et toujours en lien avec le marché local. Le juste prix, c’est ce qu’est la valeur selon l’estimation du marché au moment de la vente. Revient sans cesse, cette notion d’échange. Cette primauté du marché dans la définition du juste prix est toujours clairement affirmée mais il ne s’agit pas de n’importe quel marché. La juste rémunération peut être balayée si le prix du marché est plus bas et c’est bien le prix courant qui reste le bon indice. C’est ainsi l’offre et la demande qui dicte les conditions de vente et malheur à ceux qui ne s’en sortent par car il faut assumer les conséquences de la malchance, de l’incompétence ou du défaut de prévision. Un instrument privilégié à l’époque était les enchères car elles au moins, étaient jugées efficaces. Les comptables modernes ont relancé le débat sur ce que doit être le prix à prendre en compte. Ils parlent de juste valeur comme du prix qui serait reçu pour la vente d’une transaction normale. On parle de valeur plus que de prix pour aussitôt dire que la valeur, c’est le prix. Il reste dans cet usage du mot valeur, une sorte de vision, par laquelle le prix ne caractériserait que la surface des choses, soumis aux hasards du marché, sans consistance ni rationalité. Il faudrait alors quitter cette illusion du prix pour rechercher la vraie valeur. Les classiques en ont fait leur axe de réflexion. Marx qui cherchera dans le facteur travail l’organisateur de la valeur, Adam Smith pour qui la valeur est ajustée par la négociation et le marchandage du marché, ou encore Hobbes qui disait que la valeur est soumise par l’appétit des contractants et ainsi la juste valeur est ce que les gens sont disposées à payer. Les théologiens sont allés plus loin qu’eux. Ils étaient avertis de la limite du marché. Le juste prix était selon eux, un prix donné mais à la condition que le marché fonctionne correctement. Pour que le marché fonctionne bien, il faut selon eux qu’il y ait une multiplicité d’acheteurs et de vendeurs. Le monopole empêche cela. Pour les médiévaux, si le marché ne fonctionnait pas bien, il fallait un juste prix décrété, donc administré. La fixation du prix est rudimentaire mais ceci évoluera vers un jeu plein de la concurrence à termes. En fait pour revenir à la valeur, cette notion est la somme d’un actif aujourd’hui des services pécuniaires ou non, qu’il peut rendre dans le futur. L’écart entre prix et valeur n’existe pas si le marché fonctionne idéalement, ce qui n’est jamais le cas. Le prix est donc toujours le présent et la valeur le futur.
D'après un article de Francois Meunier.
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