Quand on apprend au petit-déjeuner que le groupe financier japonais Nomura s'est offert pour le prix d'un pain au chocolat (deux dollars) les activités de courtage et de banque d'investissement de Lehman Brothers en Europe et au Moyen-Orient, on doit forcément avoir un peu de mal, quand on travaille sur les marchés financiers, à garder son calme.
Il en faut pourtant, pour résister à la tempête inouïe que connaissent les marchés financiers. Et notamment les marchés monétaires malgré les injections en continu de liquidités effectuées par les banques centrales. Mais les centaines de milliards de dollars et d'euros fournies ne suffisent pas à calmer la tension, qui est extrême.
Le peu de confiance qui subsistait encore a fini de disparaître. Les banques ne veulent plus se prêter d'argent entre elles, même pour quelques jours, de peur qu'entre temps, l'autre fasse faillite et qu'il ne soit plus possible de récupérer son argent.
Résultat, l'écart entre les taux interbancaires à trois mois et ceux des emprunts d'Etat de même échéance atteint des sommets. Plus de 2,7 % vendredi matin 26 septembre, pour les taux en dollar, alors qu'en période normale, il s'établit à environ vingt ou trente points de base (0,20 % à 0,30 %).
Il est vrai que, dans la nuit, on avait appris la défaillance de la banque WaMu, rachetée en catastrophe par JP Morgan.
La bonne nouvelle, si l'on peut dire, du côté des taux courts, c'est que les menaces de récession et de déflation qui ne cessent de croître au fur et à mesure que la crise bancaire s'aggrave pourraient bien obliger les banques centrales à assouplir leur politique monétaire. Aux Etats-Unis mais aussi en Europe. Pour mémoire, les taux japonais avaient été ramenés à zéro pour cent après l'éclatement de la bulle spéculative boursière et immobilière.
Sur le front des taux d'intérêt à long terme, la tendance est au contraire plutôt à la hausse compte tenu de la détérioration attendue des finances publiques américaines, en raison des mesures de sauvetage du système bancaire.
Selon les économistes de Natixis, le déficit public des Etats-Unis pourrait atteindre entre 9 % et 10 % du PIB en 2009, tandis que la dette publique grimperait à plus de 70 % du PIB.
DÉRAPAGE
Une telle dégradation peut-elle provoquer un abaissement de la note de la dette publique des Etats-Unis ? "Il est évident que ces mesures vont dégrader la qualité de la dette américaine, mais il n'est pas sûr que cela conduise à un "downgrade" effectif par les agences de notation, notent les économistes de Natixis. Une des difficultés réside dans le statut particulier des Etats-Unis dans l'économie mondiale, en particulier dans le statut de monnaie de réserve mondiale."
Malgré tous leurs malheurs, les Etats-Unis pourraient donc conserver leur note de triple A, la meilleure possible. Deux pays du G7 possèdent des notes inférieures, mais ils ont des niveaux de dette nettement supérieurs (plus de 100 % pour l'Italie et plus de 160 % pour le Japon).
Même si la note de la dette n'est pas abaissée, le dérapage des finances publiques américaines pourrait avoir un impact négatif sur les taux longs. D'autant que le financement du déficit budgétaire des Etats-Unis est très dépendant des investisseurs étrangers, notamment des banques centrales asiatiques.
"Une augmentation de l'offre de papiers, associée à des interrogations croissantes de la part des investisseurs étrangers sur la qualité de la dette des Etats-Unis, pourrait à terme peser lourdement sur les T-Notes, tant en termes relatifs qu'absolus." Le billet vert, lui aussi, pourrait avoir à en souffrir. Pour l'instant, il a étonnamment bien résisté à l'ouragan qui a dévasté Wall Street, terminant la semaine à 1,46 dollar pour un euro.
Il est vrai que si les Etats-Unis sont au plus mal, l'Europe inquiète de plus en plus. La crise bancaire semble sur le point de gangrener le Vieux Continent, les déficits budgétaires dérapent, notamment en France, les indices d'entrée en récession se multiplient.
C'est peut-être le yen, aujourd'hui, la vraie monnaie refuge, même si les perspectives de croissance du Japon, là encore, ne sont guère enthousiasmantes. Mais au moins les banques nippones n'ont-elles pas absorbé le poison des subprimes.
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