Jean-Claude Trichet, le président de la Banque centrale européenne (BCE), a dévoilé, jeudi 5 mars, une arme monétaire inédite : le "je touche du bois".
"Je touche du bois", a avoué M. Trichet, pour que les agents économiques continuent d'anticiper l'inflation dans la zone euro. La hantise de l'institut monétaire est en effet, avec le peu de marges de manoeuvre dont elle dispose, de devoir affronter une spirale déflationniste, où les prix baisseraient durablement et gripperaient les mécanismes de l'économie.
Des prévisions qui ont surpris les économistes. "Nous n'aurions jamais pensé voir cela un jour, mais la BCE est devenue plus pessimiste sur la croissance de la zone euro que nous", ont ainsi écrit les experts de Credit suisse. Ces estimations sont d'ailleurs bien plus basses que celles de la Commission européenne, qui prévoit une contraction de 1,9 % du PIB de la zone euro cette année et une inflation de 1 %.
Au quatrième trimestre 2008, la croissance de la zone euro s'est contractée de 1,5 % par rapport au trimestre précédent, avec la chute des exportations, de l'investissement et de la demande des ménages, selon les données publiées jeudi par l'agence Eurostat. Des chiffres "décevants", juge, dans une note de recherche, Sunil Kapadia, économiste chez UBS, lesquels "suggèrent que le PIB sera mauvais au premier trimestre. Le plus inquiétant est l'effondrement de la consommation malgré le recul des prix de l'énergie et la réduction du niveau des taux d'intérêt. Les consommateurs sont clairement en retrait et les enquêtes d'opinion ne signalent pas de reprise rapide."
Au vu de l'assèchement du marché du crédit, M. Trichet n'exclut pas que "le taux de la BCE continue de baisser". Les économistes prévoient encore une baisse d'un demi-point en juin ou deux diminutions d'un quart de point aux alentours de l'été, qui emmèneraient le taux de refinancement de la zone euro à 1 %, la limite basse qu'avait évoquée le président de la Bundesbank, Axel Weber. La BCE n'envisage donc pas d'approcher son taux de zéro comme sa consoeur britannique. La Banque d'Angleterre (BoE) a en effet fait passer, jeudi, son taux principal de 1 % à 0,50 %.
Liquidités abondantes
La BCE n'a pas non plus décidé d'utiliser, pour le moment, d'autres canaux de relance monétaire que le maintien de liquidités abondantes pour le système bancaire. La BCE déclare seulement les étudier. La BoE, elle, a annoncé, jeudi, qu'elle allait racheter, sur les trois prochains mois, pour 75 milliards de livres (84 milliards d'euros) d'actifs (des emprunts d'Etat et des emprunts d'entreprise).
"Cette annonce a entraîné une forte détente des taux longs des "gilts" (les emprunts d'Etat britanniques), de près de 0,45 point de pourcentage sur les taux à quinze ans", notent les experts de Natixis. Ceux de Goldman Sachs estiment que vu la gravité de la situation britannique, la Banque d'Angleterre pourrait devoir acheter pour 100 milliards de livres de titres. Voire 150 milliards pour ceux de Credit suisse. Beaucoup d'établissements financiers ont d'ailleurs recommandé à leurs clients de s'engouffrer dans la stratégie de la Banque d'Angleterre en achetant des emprunts d'Etat britanniques à dix ans, car les achats de la banque centrale devraient faire monter les prix des titres.
La Banque du Canada vient aussi de baisser ses taux d'un quart de point, à 0,5 %, soulignant que les perspectives économiques ont continué à se détériorer dans le monde et au Canada. Le PIB a reculé de 3,4 % en rythme annuel au quatrième trimestre 2008, la plus forte baisse trimestrielle depuis 1991.
L'euro - qui avait fortement reculé jeudi après la réunion de la BCE, jusqu'à 1,2481 dollar - s'est nettement redressé vendredi, revenant à 1,2652 dollar, après la publication des mauvais chiffres de l'emploi américain.
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